Le Lenz de Büchner, dans sa fulgurante brièveté, marque pour beaucoup la date de naissance de la littérature contemporaine. Il est son « 20 janvier » (Paul Celan). L’oeuvre de Stifter, plus méconnue, bien que Nietzsche y ait vu le sommet de la prose allemande, semble se situer aux antipodes du Moderne, alors même qu’elle en constitue le pressentiment inquiet. Büchner et Stifter sont ici croisés pour faire apparaître la « passage » de la littérature, une sorte de traversée d’un col enneigé, ou encore l’expérience de la défaillance de toute certitude quant au sens de l’Histoire. Ces= oeuvres, dont nous sommes aujourd’hui encore les lieux d’expérimentation extrême, et qu’aucun philosophe ne saurait négliger, doivent être lues et relues afin de comprendre ce qui est arrivé au cours du XX° siècle et qui constitue désormais notre présent tremblant : la destruction de la mémoire dont parle W.G. Sebald, celle du langage dont témoigne V. Klemperer, la disparition partout annoncée du Livre au profit de l’image…En somme, qu’en est-il de la littérature après la fin du monde puisque l’animal parlant et expressif que nous sommes doit faire l’épreuve, à travers et au fond de lui, de son passage pour évaluer la nature de son existence ?
Andre Hirt Bücher




Chantier Faustus
- 346 Seiten
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La culture est-elle devenue folle et la musique en est-elle responsable ? Dans ce roman, rédigé entre 1943 et 1947, Thomas Mann narre la vie d'un compositeur fictif, Adrian Leverkühn, qui conclut un Pacte avec le Diable pour acquérir le pouvoir créatif et transcender l'art. Ce Pacte, déjà réalisé par la culture et la musique allemandes, mène à la catastrophe nazie. Face à cette folie, c'est l'ensemble de la civilisation européenne qui est ébranlée. L'œuvre incite à examiner l'Allemagne et les Allemands pour comprendre l'identité ambiguë de la musique, tout en réévaluant Nietzsche, une figure inspirante pour Adrian, afin d'analyser la responsabilité de la pensée dans cette tragédie. Thomas Mann, dans ce roman, se positionne comme philosophe et penseur, avec l'aide d'Adorno, musicologue, pour dresser un état des lieux de la culture, de la civilisation, du génie et de la création. Ce "Chantier Faustus" reste pertinent aujourd'hui, nous poussant à réfléchir sur les paradoxes de l'Histoire. Grâce à la lucidité de Mann et d'autres, comme Valéry, qui écrit un "Mon Faust" à la même époque, nous sommes appelés à trouver des solutions aux dilemmes historiques, espérant apercevoir, peut-être, une "clarté dans la nuit" à travers le son d'un violoncelle.
L'extase est-elle : une forme de vie possible ? Peut-on vivre clans l'extase ? En même temps, n'est-il pas catastrophique de renoncer à la raison ? Ainsi peut se formuler le problème que Robert Musil agite clans son couvre, à laquelle cet essai propose une introduction originale. Car, que l'existence doive être à la fois rationnelle et poétique, que la raison s'exige comme poème et le poème comme raison, cette conviction est devenue pour nous, modernes tardifs, la grâce de la pensée, celle d'une extase sans illusion et sans religion, celle d'une vie exacte.