Méditations raciniennes
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La fréquentation prolongée de Jean Racine, mort voici bientôt trois cents ans, a inspiré à l'auteur de cet ouvrage une série de réflexions dont le ton, parfois, revêt quelque chose de cultuel. Cela explique qu'il soit question de méditations. Elles portent sur l'étrange lumière, à la fois aveuglante et obscure, où baignent l'univers racinien et, partant, les êtres insaisissables et opaques qui le peuplent ou, plutôt, le hantent. Des noms, des mots, des abstractions stylisées que ces créatures et ces situations qui s'infléchissent jusqu'à la rupture? Certes, on observe chez le poète le goût du vertige verbal même verbalisé, mais on perçoit également, au-delà de la Fable, des mythes et des sources, l'incoercible besoin de faire déboucher l'illusion théâtrale sur une scène où, tous masques prestigieux ayant été abaissés, les antiques débats se nourrissent de chair et de sang et non pas de la seule musique des mots, et se muent ainsi en interpellations impitoyables. C'est d'immédiateté racinienne ou, plus exactement, de la brutalité transséculaire de l'effet racinien qu'il convient de parler et peut-être de (re)prendre conscience. Le grand tragique continue d'inquiéter superbement et, avec l'arrogance inimitable qu'on lui connaît, il dépasse infiniment ce qu'on nomme la littérature. Les seize séquences qui composent ce livre voudraient reconstituer à leur manière la trajectoire de ce dépassement toujours recommencé et qui conduit le spectateur à oublier la circonstance et l'agitation dramatiques afin de mieux goûter l'immobilité ultime où se fige la contemplation de l'Oeuvre. Il n'y a pas plus essentiel que le regard que renvoie le miroir racinien.